Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle

Ceija Stojka est née en Autriche en 1933, cinquième d’une fratrie de six enfants dans une famille de marchands de chevaux rom d’Europe Centrale, issue des Lovara.
Déportée à l’âge de dix ans avec sa mère Sidonie et d’autres membres de sa famille, elle survit à trois camps de concentration, Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Bergen-Belsen.

 

C’est seulement quarante ans plus tard, en 1988, à l’âge de cinquante-cinq ans, qu’elle ressent le besoin et la nécessité d’en parler ; elle se lance dans un fantastique travail de mémoire et, bien que considérée comme analphabète, écrit plusieurs ouvrages poignants, dans un style poétique et très personnel, qui font d’elle la première femme rom rescapée des camps de la mort, à témoigner de son expérience concentrationnaire, contre l’oubli et le déni, contre le racisme ambiant.

Son témoignage ne s’arrête pas aux textes qu’elle publie (4 livres au total entre 1988 et 2005), et qui très vite lui attribuent un rôle de militante, activiste pro-rom dans la société autrichienne. A partir des années 1990, elle se met à peindre et à dessiner, alors qu’elle est dans ce domaine également, totalement autodidacte. Elle s’y consacre dès lors corps et âme, jusqu’à peu de temps avant sa disparition en 2013.

Son œuvre peinte ou dessinée, réalisée en une vingtaine d’années, sur papier, carton fin ou toile, compte plus d’un millier de pièces. Ceija peignait tous les jours, dans son appartement de la Kaiserstrasse à Vienne.
On note deux axes dans son travail pictural :
La représentation, sans omettre les détails, des années terribles de guerre et de captivité endurées par sa famille, par son peuple. Près de cinq cent mille Roms ont été assassinés sous le régime nazi (le nombre exact de victimes n’a jamais été déterminé jusqu’à aujourd’hui).

En parallèle elle peint des paysages colorés idylliques, évocations des années d’avant-guerre, quand la famille Stojka, avec d’autres Roms, vivait heureuse et libre en roulotte dans la campagne autrichienne.

L’exposition

L’exposition réunit soixante-quinze œuvres. Celles-ci ont été réalisées sans ordre chronologique entre 1988 et 2012. Elles permettent cependant de retracer l’histoire de sa vie.
Le parcours de l’exposition est donc à la fois thématique et chronologique.
Les thèmes et les époques retenus sont :
– Vienne, la traque, la déportation : il s’agit de représentations de sa famille cachée à Vienne, avant d’être raflée avec une alternance de dessins à l’encre, de fusains et quelques tableaux.
– Les camps : cœur de l’œuvre et cœur de l’exposition, Ceija a réalisé plus de 200 œuvres de cette période (1943-1945), elle y travaillait encore peu de temps avant sa mort.
Visions de cauchemar : récurrence des barbelés, des cadavres, de la fumée, des SS, du vent, de la neige, des corbeaux. Dans son dialecte malhabile autrichien, elle écrit souvent directement sur la feuille ses sentiments d’enfant mêlés aux ordres des gardiens, ses courts dialogues avec sa mère et de plus longs textes au dos des dessins. La graphie prend une place très particulière, puisqu’elle devient un motif en soi qui occupe la page et à la fois, apporte des éléments de compréhension des situations extrêmes.
– Le retour à la vie : elle laisse libre cours à son goût de la couleur, de la vie au grand air et de la singularité rom ; les fonds sont travaillés à la main, ou avec un pinceau chargé de matière.

 

C’est grâce à la réalisatrice et documentariste autrichienne Karin Berger que Ceija Stojka a pu témoigner de son histoire, à travers ses livres qu’elle a aidé à publier et par les deux films qu’elle lui a consacrés.
Plus récemment, le critique d’art allemand Matthias Reichelt a réalisé une grande exposition de son travail et publié un catalogue axé sur ses peintures des camps. L’exposition a été présentée trois fois en Allemagne entre 2013 et 2014.
En France, c’est la compagnie théâtrale Lanicolacheur qui, alors qu’elle travaille sur la culture rom, découvre l’œuvre de Ceija Stojka. Elle décide de faire traduire et publier, Je rêve que je vis- libérée de Bergen-Belsen pour en donner des lectures publiques, puis de faire une exposition de ses œuvres plastiques. La maison rouge s’est associée à Lanicolacheur pour réaliser l’exposition à la Friche Belle de Mai-Marseille en 2017 et en 2018 à Paris, dans ses locaux du boulevard de la Bastille.

L’œuvre de Ceija Stojka est en grande partie détenue par sa famille et le musée de Vienne possède treize œuvres, beaucoup sont dispersées auprès de collectionneurs privés, amis et défenseurs de la cause rom, mais l’exposition restitue fidèlement l’esprit de l’artiste, son originalité, sa force de vie.
L’exposition présente également des archives, photographies et carnets.


Ceija Stojka

Public : Tout public

Création 2017

Dossier de production

Revue de presse



La presse en parle

une artiste totalement méconnue en France, dont l’œuvre intimement universelle se rappellera longtemps à notre mémoire.

Mathilde Bartier, le 1 mai 2018 @ Aware

Connue pour avoir, en 1988, brisé le silence et témoigné dans un livre sur la déportation des Tziganes dans les camps nazis, la peintre rom autrichienne, morte en 2013, laisse une œuvre considérable.

Florence Aubenas, le 24 février 2017 @ Le Monde

Une petite tzigane se met à peindre, quarante ans plus tard, ce qu’elle a vu à Auschwitz, Ravensbrück et Bergen-Belsen. Une œuvre sidérante d’une puissante unité.

Lorraine Rossignol, le 18 mars 2017 @ Télérama